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mercredi 20 janvier 2016

Deux étrangers de Emilie Frèche


Cela fait sept ans qu'Elise, mariée, deux enfants, n'a pas revu son père.
Et puis, un jour, il téléphone de Marrakech, il a des choses à lui dire, elle doit venir.
La jeune femme est saisie: ce père, despote violent, a ruiné sa famille et son enfance. Il l'a humiliée, réduite en bouillie et a eu sur elle une emprise telle qu'elle rêvait de le transpercer d'un pic à glace.
Et pourtant, elle part, comme étrangère à elle-même, dans la vieille Renault 5 "vert-bouteille-intérieur-vert-absinthe", dernier souvenir de sa mère morte et cocon dans lequel elle se love et roule tout droit, vers le sud, écoutant des flashs infos sur le Printemps arabe, échos lointains de sa propre volonté de se libérer du joug du tyran.
Dans une longue et lente introspection qui suit le rythme chaotique de l'antique et poussif véhicule, elle replonge dans son enfance, analyse son passé et chemine en elle et sur les routes, lentement, douloureusement. Elle s'interroge sur ce qui a détruit l'amour entre sa mère, jeune Polonaise ashkénaze et son père, séfarade d'Afrique du Nord. Comment cet homme est-il devenu un étranger au sein même de sa famille?
Lorsque, parvenue à Cordoue, elle a soudain la tentation de faire demi-tour, Simon, son mari, l'invite à poursuivre sa route jusqu'au bout:"... nous pourrions être des centaines à t'aimer que cela ne suffirait toujours pas. C'est le sien qu'il te faut."
Ce livre nous invite ainsi à une réflexion sur nos origines, notre identité, le poids de ce qui nous est transmis- que nous le voulions ou non-, l'impact de l'Histoire sur notre histoire. Comment ce père aurait-il pu assumer son rôle de père lui qui n'en a pas eu? Comment peut-on ne pas s'exiler lorsque nos ancêtres ont vécu l'errance: "Sefarade peut aussi venir de l'arabe, safar, qui veut dire voyage." découvre éberluée la narratrice lors de son périple. Tiens, elle aussi, sur les routes...
Un récit touchant sur l'identité et la terrible nécessité d'être aimé... "car la vie est ainsi faite qu'on ne peut pas se passer d'aimer et d'être aimé." François Truffaut, L'Argent de poche.

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